Le passage à l’An nouveau est le moment des vœux. Que souhaitons-nous pour 2018 pour nos proches, nous-même? Il est tout autant le temps des bilans. Cela vaut pour les organisations, les acteurs sociaux, économiques, politiques. Cela vaut pour le PCF avec la tenue d’un Congrès à la fin de l’année, et après le séisme électoral de 2017. Qu’attendons-nous de 2018 ? Que faire en cette année charnière ?
Les réticences de la direction du PCF à intégrer la question du bilan dans l’ordre du jour du congrès décidé pour novembre 2018 lors du conseil national du 1er décembre sont révélatrices d’une difficulté à trouver la bonne entrée pour l’analyse des causes de la situation dans laquelle il se trouve. Elles expriment l’appréhension face aux décisions à prendre pour aborder la période nouvelle ouverte avec les élections du printemps 2017. Le bilan n’a pas d’intérêt en soi. C’est une pièce du socle du travail sur les perspectives, sur la nature et le niveau des transformations à opérer. C’est une condition pour que les adhérents aient tous les éléments du débat au moment de choisir pour prendre les décisions.
Normalement, c’est la tâche de tout congrès que d’évaluer les résultats des orientations et des choix tactiques à partir des objectifs fixés. Cette fois, le bilan apparaît inévitable compte-tenu de la gravité de la situation, reconnue jusqu’au plus haut niveau. Ce qui est légitime et banal en temps de calme devient un impératif en période de tourmente. C’est à juste titre qu’il est demandé qu’il n’évite ni les responsabilités de la dernière période, ni les raisons structurelles.. L’appel à la modération, à ne pas en faire un « règlement de compte », est légitime. Cet appel gagnerait en force s’il était accompagné d’un appel tout aussi pressant à tout mettre sur la table, sans préjuger des conclusions. L’appel à l’unité, justifié lui aussi, particulièrement dans la période difficile qu’affronte le PCF, ne saurait être une pression pour limiter les expressions critiques. Tout au contraire, c’est la qualité d’un débat réellement ouvert, sincère et exigeant, qui est la condition de la construction de l’unité.
La particularité de la situation présente tient au fait que cette fois, l’appel à une mise à plat vient du corps militant. Les interrogations et les doutes se sont manifestés face au résultat, amplifiés par le comportement du candidat soutenu. Ils ont été confirmés par l’attitude de la France Insoumise envers le PCF et ses candidats aux élections législatives, et tout récemment à propos de la Corse.
Ce bilan, nécessaire et attendu, ne peut être réduit à l’analyse et aux leçons de la période immédiate, en l’occurrence les choix de la présidentielle de 2017 et ses suites. Ces choix là étaient ancrés dans une démarche de long terme. Elle touche à des questions essentielles, du rapport au mouvement réel, de la société et du monde, non résolues ou posées en des termes totalement nouveaux. S’impose le réexamen des causes d’un déclin jamais enrayé, des raisons tactiques des échecs électoraux, de la conception des constructions majoritaires à gauche. L’analyse de la période demande de revenir sur les interprétations du résultat du référendum de 2005, sur la prise en compte dans la pratique des conséquences de la crise de 2008/2010, idéologiques et politiques. Avec au cœur, la conception de la transformation sociale, du communisme politique, dans les réalités du « monde nouveau ». Ces questions sont posées en termes existentiels. Tout est bouleversé. Les élections de 2017 ont porté le coup fatal à un système vermoulu. Pour la gauche « historique » et les partis qui la composent une longue période touche à sa fin.
Et donc une période totalement nouvelle s’ouvre. Marquée par l’inconnu, si ce n’est par la conscience de l’ampleur de l’effort d’innovation qu’elle appelle. Les échéances électorales, européennes et municipales, marqueront une nouvelle étape dans la recomposition, la restructuration de la politique elle-même, la redéfinition du clivage gauche/droite. Jean-Luc Mélenchon y travaille. Le « système Macron » en fait une étape essentielle de sa structuration autour d’un pôle libéral. La construction de la dynamique unitaire qui mette en échec la stratégie d’Emmanuel Macron de recompositions répondant aux besoins des forces dominantes, devra participer de cet effort d’innovation. Jusqu’aux ruptures nécessaires. Dans cet ensemble est posée la pertinence du communisme – stratégie et organisation – dans les conditions concrètes, immédiates et comme visée de civilisation.
La question « Comment en est-on arrivé là ? » traverse toutes les discussions. Elle taraude les communistes à tous les niveaux. Elle interroge au-delà celles et ceux qui s’inquiètent encore pour l’avenir du PCF et pour l’action politique progressiste et transformatrice dans notre pays, et en Europe. Elle pourra ouvrir sur l’avenir et un regain de confiance à condition d’être assumée. Dans une telle situation il n’y a pas de raccourci possible.
Daniel Cirera
Décembre 2017 – Janvier 2018