La première tâche du congrès du Parti communiste français dès le lancement de sa préparation devrait être de fixer le niveau de son ambition. Il donnerait à voir la volonté collective et de direction de rouvrir le chantier du communisme français, ou non.
C’est à l’épreuve des faits ensuite que se révélerait la réalité de cette ambition. Dans la démarche de préparation, la mise en acte, ou non, de l’ambition, jusqu’à la conclusion du congrès se révélerait le message que les communistes français adressent au pays, à celles et ceux en recherche de perspective, et à eux-mêmes.
Ce parti centenaire, affaibli, voire marginalisé, est-il capable de se transformer pour reprendre langue avec le pays réel, le monde du travail dans ses bouleversements, sa jeunesse. Est-il capable d’intégrer dans sa conception politique et dans ses pratiques les réalités d’un monde qui ne cesse de se transformer ?
Pourquoi un congrès extraordinaire ? D’abord parce que le moment n’est pas ordinaire (1). La France vient de basculer dans un nouveau dispositif politique. On en connaissait les prémisses par la profondeur de la crise qui minait le système politique. N’empêche. Le résultat des élections a fait l’effet d’un séisme par sa brutalité et sa radicalité. C’est la situation qui est extra-ordinaire. De la qualité de l’analyse de la situation dépendra la pertinence des décisions et des orientations. La nouveauté de la situation globale. La gravité de celle du PCF.
Il y a aura à évaluer les résultats en fonction des objectifs fixés. C’est le rôle de tout congrès. Sauf que cette fois, les questions soulevées sortent de « l’ordinaire ». Elles sont existentielles. Les débats porteront sur les raisons conjoncturelles des échecs, sur les résultats des choix stratégiques de ces dernières années, depuis la charnière des années 2006/2010. Une telle analyse n’aura d’utilité que si elle est associée à un travail sur les causes structurelles des difficultés, les transformations opérer pour les surmonter.
Ce qui se trouve et s’est trouvé posé de fait, y compris dans les choix stratégiques, c’est la conception de la transformation révolutionnaire de notre temps. Je ne développe pas, mais on comprend (crise européenne, mondialisation, révolution informationnelle et numérique, défis globaux, redéploiement du capital et ses contradictions, transformation du travail, etc.)
C’est le débat sur l’actualité d’un communisme qui resurgit. Le communisme comme idéal mobilisateur, et indissociablement communisme politique qui vise à faire reculer la domination du capitalisme jusqu’à en libérer la société2.
Avec l’analyse rigoureuse de la situation, ce devrait être le second point de l’ordre du jour. Il ne s’agit pas d’un débat académique, coupé des réalités vécues. Tout au contraire. C’est aujourd’hui que l’offre politique dans ses conceptions et ses pratiques est coupée du monde vécu, ouvrant l’espace à Macron et Mélenchon, sur fond d’abstention et de populisme. Il ne s’agit pas d’une discussion « en chambre » sur le « grand soir ». Tout au contraire. Il doit s’agir de contribuer au rapport de force social et politique à partir des réalités vécues, ici et aujourd’hui. Que ce soit en termes d’idées et d’expérience concrète, les communistes ne sont pas sans bagage. Encore faut-il créer les conditions d’un débat exigeant, bien ancré dans le réel.
La réponse à l’exigence de transformation de l’organisation, du parti en l’occurrence, découle des choix stratégiques, eux-mêmes découlant de la conception des conditions réelle de la transformation révolutionnaire. La question du changement de nom, posée aujourd’hui, ne serait qu’un chiffon rouge agité pour détourner le débat des enjeux de fond.
Un dernier mot. En 2018 et en cette fin d’année toutes les forces politiques seront en congrès ou en convention d’organisation (E marche et FI). Aucune ne reste l’arme au pied. À gauche la messe n’est dite pour personne. D’où l’importance de l’organisation du congrès avant l’été, en juin 2018. Reporté à l’automne la dimension extraordinaire ne serait plus que formelle, pour un congrès sous pression des échéances des élections européennes en 2019, des municipales en 2020, et même, pour certains, des présidentielles de 2022.
— (1) Qu’on compare tout simplement ce qu’on disait en septembre 2016 et la réalité au lendemain des élections. On attendait Juppé vainqueur face à un Hollande au plus bas. Résultat : Hamon candidat du PS, Fillon hors-jeu, élection de Macron, au 2° tour Marine Le Pen présente et la droite absente, le PS effondré et le Parti communiste marginalisé au profit de Mélenchon artisan déterminé de la recomposition.
— (2) On parle bien ici de « communisme ». Les mots ont un sens, une force subversive même en l’occurrence. On ne parle pas d’un communisme abstrait ou de « communs ». Cette remarque demande plus qu’une note en bas de page. Assurément la distinction appellera d’autres développements.
Daniel Cirera
30 octobre 2017