Ce jeudi 26 mai, le mouvement de protestation contre la loi Travail a connu une forte ampleur dans les rassemblements (en progression pour la 3e semaine consécutive), dans les grèves dans les transports, les raffineries, les centrales d’énergie. Cet enracinement de la protestation s’effectue dans un contexte où les salariés des sept organisations engagées et au premier plan, la CGT, subissent un tir croisé d’attaques de la part du premier ministre et de ses principaux collègues, des dirigeants des partis politiques de la droite, du FN, d’une majorité du parti socialiste, des dirigeants des principales organisations patronales. Parmi ces attaques, on peut relever les critiques des blocages « prises d’otages » (Myriam El Khomri), « une poignée de militants irresponsables [qui] prennent la France en otage » (Pierre Gattaz), « La CGT est dans un processus de radicalisation » (Manuel Valls),
« toutes les intoxications et tous les radicalismes, de la CGT à l’extrême gauche » (Laurent Berger), la CGT embarquée « vers une forme de terrorisme social » (Le Figaro) (citations extraites du Monde « Big Brother », relevées par Luc Vinogradoff).
Or, dans le même temps, l’opinion publique rend majoritairement à 63 % (sondage ODOXA), le gouvernement responsable des blocages, y compris dans l’électorat de gauche (61 %), malgré la situation complexe existante avec la présence d’un gouvernement et d’un Président de la République issus du parti socialiste ! Il est vrai que 66 % des Français s’étaient montrés choqués de l’utilisation de l’article 49.3 !
Cette résistance du corps social français aux campagnes médiatiques, parfois convergentes aujourd’hui entre droite, gouvernement, patronat, sur la défense de valeurs néo-libérales est à relier à un autre sondage du mois d’avril qui indique que 69 % des Français (5% de plus qu’il y a trois ans) estiment que la lutte des classes est toujours une réalité ! En même, le sondage révèle l’attente d’autres offres politique, puisque 63 % des sondés ne trouvent pas de réponses efficaces à leurs attentes, tant dans les syndicats, que dans Nuit Debout et encore moins dans les partis politiques.
Ce sondage montre également que les Français ne sont, ni un peuple de « veaux » réclamant des chefs, comme le caricaturait la thématique gaullienne des années 60, ni un peuple de « soumis » et de bons « insoumis », comme Jean-Luc Mélenchon le prône aujourd’hui.
Le mouvement ouvrier et populaire français s’est construit autour de valeurs démocratiques et progressistes, pour lesquelles il est capable de se rassembler à de grands moments historiques depuis 1789, en passant par 1936, la Libération. En 1995, ce rassemblement avait permis de faire sauter, rappelons-nous, les atermoiements et oppositions de la CFDT et d’une partie du Parti socialiste et à renvoyer Juppé à son laboratoire anti-social. L’heure n’est donc pas à préparer les clivages électoraux de 2017, en figeant les lignes dès maintenant, mais à créer les conditions d’un nouveau rassemblement sans a-priori, permettant de recréer l’espoir..
Le renforcement du mouvement social, les débats qu’il soulève, ne peuvent qu’encourager les communistes à investir le champ du débat politique, partout où il peut se déployer : forums informels, forums organisés, primaires. Le Congrès communiste début juin pourrait contribuer utilement à ce déploiement d’une présence communiste, voire d’une proposition de candidature dans ce débat, qui soit capable de porter les valeurs de transformation que l’on sent commencer à poindre dès aujourd’hui dans le mouvement social.
Jean Sandétours.