Après l’adoption de la loi El Khomri par le 49.3, le mouvement social ne s’essouffle pas. Avec l’extension des grèves dans des secteurs clés de l’économie, le blocage des raffineries, il est en train de changer de nature. Le choix du passage en force et le durcissement provocateur de Manuel Valls, la brutalité des attaques contre la CGT, se retournent contre lui. 61% des Françaises et des Français jugent le gouvernement responsable du durcissement de la contestation. En dépit des efforts de division et d’isolement, les sondages contredisent la stratégie de la tension et de l’appel classique à l’opinion contre le mouvement. 2 Français sur 3 le trouvent justifié, 76% des jeunes de 18 à 34 ans.
Parce que le mouvement remet au cœur du débat public l’affrontement sur la question centrale, de classe, du travail (différent de l’emploi), et de la protection des salariés par la loi, dans le rapport de force, la confrontation porte sur des questions essentielles. C’est le modèle social français qui est en cause. De fait, et explicitement par le Medef et la droite ultralibérale.
A travers la prétendue opposition entre « réformisme, conservatisme et régression » selon les paroles de Manuel Valls, se jouerait un débat fondamental sur « deux mondes qui sont en train de se confronter » et selon les propos de François Hollande rapportés par Le Monde, une « clarification » sur le syndicalisme français et son avenir : » Un syndicalisme de contestation avec le risque de ne pas trouver de débouché? Ou un syndicalisme de compromis et de responsabilité (….) avec bien sûr la question de celui qui va l’emporter ». Cette vision réductrice, mais réfléchie, comme celle des gauches « irréconciliables », a le mérite de la clarté. Elle doit être prise au sérieux.
Que dans un tel contexte, la CGT se retrouve au premier rang est compréhensible. Elle est dans son rôle de syndicat. Pour le PCF, le soutien au mouvement pour sa réussite, pour contrer les manœuvres de division et d’isolement, est essentiel. Il ne suffit pas. D’ores et déjà, est posée la question de l’offre politique adaptée à cette réalité nouvelle.
L’amplification du mouvement social, jusque sur les lieux de travail, son contenu et les exigences positives qui se précisent, les 65% des Françaises et des Français qui le trouvent légitime, l’intensité des débats qui traversent le Parti socialiste jusqu’à une absence de majorité à l’Assemblée nationale, l’amplification du mouvement, tout cela bouscule et ouvre le paysage.
Dans cette situation nouvelle, focaliser le débat de 2017 sur la présidentielle, c’est occulter de fait deux questions essentielles inséparables. Celle de la politique nouvelle à mettre en œuvre après les élections. Celle de la majorité pour la conduire, la présidentielle devant participer de cet ensemble. Poser la question ainsi, apparaît sans doute à contre-courant. Pourtant le temps n’est-il pas à l’initiative qui sorte du cadre imposé, qui déjoue les pièges du populisme et des « gauches irréconciliables » ?
Alors que se commémorent les 80 ans du Front populaire, que se multiplient les références au programme du CNR et au modèle social français, les communistes ont une responsabilité, avec bien d’autres. Penser et parler aux 65%, et au-delà, – les salariés, ces 76% de jeunes, les sans-emploi, agriculteurs, artisans, les patrons de PME, et tant d’autres -. Pas pour leur dire votez pour nous et notre programme. Pas pour une -vaine- récupération politicienne ou populiste du mouvement. Pour être en résonance avec lui. En s’adressant à toute la gauche, à tous ceux qui ne se résignent pas au scénario annoncé. Pour cela, mettre en débat ce que devrait être un contrat de majorité pour le lendemain des élections, à partir de ce que le mouvement porte de demandes de changement, et d’espoir. Et dans une primaire, une voix communiste allant jusqu’à une candidature, qui porte cette démarche.
Daniel Cirera – 26 mai 2016