Contribution au débat : Communisme français – le temps du choix

L’échec de la séquence présidentielle a été cinglant, très douloureusement vécu par les communistes. Il signait une fuite en avant stratégique vers un effacement du PCF, et un renoncement à retravailler la question du communisme et de son incarnation politique dans la réalité française contemporaine.

Les communistes, dans le parti et au-delà, attendaient un congrès vraiment extraordinaire :

  • un congrès qui permette de faire un examen critique lucide et sans concession de la période écoulée et de l’échec, d’en comprendre les raisons profondes

  • un congrès qui mette en lumière et en perspective, dans une débat exigent et constructif, les véritables options qui s’ouvrent pour l’avenir du parti communiste, du communisme politique en France.

La base commune soumise au débat ne répond ni aux attentes des communistes, ni aux exigences d’un véritable congrès extraordinaire. Elle masque très mal une volonté de limiter au maximum la réflexion sur le bilan de la stratégie engagée depuis 2004, mais surtout d’asseoir (sans le dire, et en entretenant la confusion), une forte continuité dans les orientations politiques de la direction sortante.

Nous n’acceptons pas d’être enfermés dans un congrès ordinaire et de continuité.

Nous avons la conviction que pour le parti communiste et le Communisme politique Français, c’est le temps du choix. Il implique un débat véritablement extraordinaire dans les options mises en débat, ancré dans les réalités et les exigences politiques de la période, un débat qui dynamise les communistes et leur permette de construire, de choisir.

Nous contribuons et prenons la parole pour réaffirmer cette exigence. Nous invitons toutes celles et ceux qui la partagent à s’exprimer, et s’ils le souhaitent à s’associer a cette contribution.

Crise du capitalisme : dangers et opportunités, un immense affrontement sur les choix et les solutions.

La crise du capitalisme structure la mondialisation de manière profondément négative et dangereuse pour l’immense majorité des femmes des hommes et des peuples, pour le devenir de l’humanité. Face aux défis d’un monde en plein bouleversement nous vivons un immense affrontement sur les choix et les solutions. Les choix capitalistes provoquent des catastrophes humaines et économiques écologiques, creusent les inégalités, accroissent les dangers de confrontations et de guerre, de mise en concurrence des peuples et de rivalités de puissance, alimentent les poussées nationalistes et xénophobes. Ce moment dangereux est aussi celui de formidables opportunités.

Dans le même temps, se manifestent de vives résistances parmi les peuples, les organisations très diverses, les institutions internationales comme l’ont montré Les réactions à la crise de 2008 avec Occupe WallStreet et les mouvements anti-austérité, les Printemps arabes, les avancées de la COP21 ou la pression internationale pour l’interdiction des armes nucléaires pour s’en tenir à quelques exemples. Les dogmes du libéralisme, du « tout-marché » et du « libre-échange » sont ébranlés.

En Europe, les crises politiques, jusqu’à des séismes manifestent au cœur d’un besoin de changements radicaux, cette tension entre la gravité des dangers, faute de perspective à gauche, et les opportunités. Le traitement du drame des migrants de l’Aquarius à fait éclater la réalité des enjeux, avec l’accueil proposé par le nouveau gouvernement espagnol, face à la violence nationaliste et xénophobe de l’alliance au pouvoir en Italie et l’indignité de la réaction des autorités et de la droite françaises. Ces événements, comme les évolutions positives au Portugal, un espoir possible en Grèce dans un rapport de force écrasant, contredisent les visions courtes et fatalistes.

En France, nous vivons un paradoxe. C’est au moment où la crise est perçue – même de manière confuse – comme une crise de système, où le capitalisme sous sa forme financiarisée, mondialisée, est contesté, que les forces de gauche s’effondrent et tout particulièrement le parti communiste, la force politique la plus déterminée dans l’analyse critique du capitalisme et dans l’affirmation d’une alternative historique d’émancipation humaine.

La question du bilan des directions dans les échecs cuisants et l’effacement progressif du PCF n’est pas une question de polémique mais une question politique centrale.

Nous voulons construire-reconstruire un PCF véritablement utile aux salariés – salariées, à la très grande majorité de notre peuple qui a besoin de plus d’emplois, et d’emplois qualifiés, de salaires plus décents, d’une éducation de qualité et d’une formation plus qualifiante pour profiter pleinement des progrès de la civilisation et des opportunités positives que peut ouvrir la mondialisation.

Les développements des mouvements sociaux, la contestation de l’offensive libérale du pouvoir et face au Medef, interpellent la capacité à ouvrir une perspective politique, à répondre à la formidable demande d’unité.

Il s’agit dès maintenant de prendre les initiatives fortes, visibles, audacieuses, pour une dynamique unitaire, à gauche, face à Macron, et pour un « après-Macron ». Il s’agit de mettre en débat, entre forces politiques, sociales, de gauche et de progrès, et les citoyens les grandes mesures modernes, d’avenir.

Moins à partir d’un programme – aussi parfait soit-il – que de propositions de portée politique en phase avec des exigences sociales et démocratiques portées par les mobilisations. En phase avec des attentes exprimées – dans les luttes, comme dans le débat d’idées, des expériences citoyennes, nationales, locales. La plate-forme unitaire des syndicats des cheminots est l’exemple de cette possibilité de porter des propositions de haut niveau, en relation avec un mouvement réel. Le développement des initiatives pour une réelle égalité des femmes, pour le respect, montre le potentiel existant. Le Parti communiste devrait prendre des initiatives unitaires concrètes pour faire avancer le rapport de forces en faveur de l’économie sociale et solidaire, du numérique libre, d’un secteur public modernisé et renforcé.

Le Congrès du PCF se déroule de fait, dès maintenant, dans des décisions prises par la direction, sous la pression des événements, et anticipant le congrès lui-même.

C’est le cas dans la manière dont est abordé le mouvement social. Nous sommes de fait sous la pression de la stratégie de la France Insoumise au lieu de promouvoir le soutien au plus près, en bas, des luttes et propositions des salariés et des organisations syndicales. Il s’agit de contribuer avec la volonté d’avancer, à la construction dynamique unitaire attendue.

Mettre la politique au service du mouvement, et non le contraire selon les vieilles conceptions, dans la richesse de ses développements, à l’opposé de son instrumentalisation populiste. Ce choix est à l’ordre du jour.

Concernant l’Europe, nous restons dans un discours attentiste sur les élections européennes, sur la constitution d’une liste qui rappelle la préparation des dernières élections présidentielles, au lieu de s’engager dès maintenant sur des propositions et une liste prenant en compte les grands intérêts de la France et du peuple français.

Concernant l’avenir du parti communiste et de ses alliances, nous assistons à trois approches politiques.

Une, qu’on appellera « conservatrice », proposant essentiellement le « retour aux fondamentaux » idéologiques et organisationnels, y compris dans la fidélité à l’idée du «  socialisme » comme « étape » vers le communisme. Une seconde dans la continuation de la constitution d’un « pôle de radicalité » rassemblant la « gauche de la gauche » pour faire pièce à l’hégémonie du parti socialiste, et intégrant une composante communiste. C’est dans cette logique que s’est inscrite la stratégie des années 2000, jusqu’à la crise du Front de gauche, et qui marque encore les choix actuels.

Nous mettons en discussion une autre voie. Nous portons une proposition, fondée sur la conviction de la pertinence du communisme, associant indissolublement une conception renouvelée des conditions de la transformation révolutionnaire, et une stratégie ancrée dans le rassemblement et l’union majoritaire, ancrés dans la dynamique du mouvement social et de la société.

Pour nous, le communisme est au cœur du débat politique sur le changement. C’est à la fois un idéal et l’action pour une société plus juste, plus solidaire, plus démocratique, libérée de la domination des capitalistes. C’est indissociablement une stratégie politique de conquête du pouvoir.

Le débat public porte sur le contenu du concept, mais aussi et surtout sur la mise en pratique politique.

Cette stratégie appelle une conception renouvelée de la transformation globale pensée au quotidien, de la contestation et du dépassement du capitalisme (loin du « Grand Soir » et du « parti guide »).

Cet objectif, cette conception nouvelle appelle des pratiques, elles aussi, réellement nouvelles, novatrices, à partir des expériences : animation du débat sur les conditions de la transformation révolutionnaire, pour un changement, pour l’égalité réelle, pour un développement écologique, avec au cœur, l’émancipation des individus et la liberté, la reconquête de la souveraineté populaire. Pas dans l’abstrait. À partir du réel (expériences nationales, maîtrise des banques, gestions des entreprises, finalité du travail, économie sociale, démocratie locale, et autres).

Les partis comme le système institutionnel sont en crise. Ce qui est en crise, avec les pratiques, c’est la conception de la transformation révolutionnaire, son rapport au mouvement réel de la société.

Notre conviction est qu’il faut un parti politique. Une organisation politique héritière du communisme français et porteuse d’une conception profondément renouvelée du communisme. Comme contestation radicale de la domination du capitalisme, pour son dépassement jusqu’à son abolition. Un communisme moderne !

*******

Avec cette contribution, volontairement ouverte et même incomplète, nous espérons participer à l’élargissement du débat nécessaire pour ré-ouvrir une véritable perspective progressiste en France.

Nous sommes convaincus que se joue une opportunité du communisme français de

reprendre une place dans la vie politique de la France.

Signataires :

Christian BASTID – Gard ; Pascal BONNEAU – Côtes d’Armor ; Daniel CIRERA – Seine-Saint-Denis ; Michel CERUTI – Lot-et-Garonne ; Denis COHEN – Seine-Saint-Denis ; Mahama COMPAORÉ – Calvados ; Anne-Marie DURAND – Loire ; Daniel DURAND – Loire ; Jean-Claude FRANÇOIS – Lot-et-Garonne ; Marie-Jeanne GOBERT – Calvados ; Roland JACQUET – Rhône ; Christian JUTEL – Eure ; Éric LE LANNN- Hauts-de-Seine ; Gilles LUCMARIE – Lot-et-Garonne ; Fabienne POURRE – Val-de-Marne ; Julien RUIZ – Gironde ; Roger TIRLICIEN – Moselle ; Francis TRESSOS – Lot-et-Garonne.

Print Friendly, PDF & Email