En s’attaquant à la retraite, Macron touche à l’espoir. Celui tant attendu après une vie de travail. Un temps de tranquillité marqué du plaisir de pouvoir faire, enfin, ce que l’on veut, avec qui l’on veut. Il justifie sa réforme par l’allongement de l’espérance de vie, oubliant que si l’on vit plus longtemps, ce n’est pas forcément en bonne santé.
Bien sûr, il tente d’utiliser l’éternel thème des « nantis », en prétendant universaliser les régimes de retraite. Au fur et à mesure qu’il dévoile les intentions de son plan, il apparaît de plus en plus clairement qu’il s’agit d’un recul social pour tous, de l’atomisation de chaque régime. Décidément, la politique ne peut se résumer à de la communication. Au départ personne ne comprenait les objectifs de cette réforme. Aujourd’hui il apparaît nettement qu’il s’agit, comme en 1995, d’une mise en cause des retraites. Apparaît également derrière la forme, le caractère mensonger de Macron, masquant le mépris qu’il porte à l’intelligence ouvrière. Mensonge et mépris qui alimentent le « tous pourris », renvoyant ainsi dans des mondes sans rapports mouvement social et réponse politique.
Au travers de l’âge-pivot il s’agit de repousser de fait l’âge de la retraite à 64 ans avec le malus qui s’applique à l’âge légal de 62 ans. Cette réforme touche tout le monde, notamment tous ceux marqués par les carrières hachées, comme les femmes et y compris les chômeurs. En prétendant améliorer la situation des catégories non salariées, Macron légitime l’ubérisation, amplifiant la structuration des non-salariés dans le monde du travail. Mais là encore, on ne gomme pas des décennies de luttes sociales comme cela. Macron n’a pas non plus tiré les enseignements des grèves de 1995 quand Chirac, élu sur la fracture sociale, s’en est pris aux retraites et à la sécurité sociale.
Quant aux régimes spéciaux, ils ne sont qu’une réponse aux contraintes propres à certaines professions. Les supprimer apparaît d’autant plus ridicule que ces contraintes n’ont fait qu’augmenter du fait des politiques menées conduisant, entre autres, aux sous-effectifs, comme à l’hôpital. De plus, réduire les contraintes à la seule pénibilité c’est oublier ce que représente le fait de ne pouvoir aller chercher ses enfants à l’école, ne pas passer un Noël en famille … C’est aussi oublier que les réponses en termes de garanties collectives en matière de retraites se sont réalisées au détriment des réponses salariales.
Rarement, nous n’avions connu autant de catégories de populations mécontentes. La question politique étant de les fédérer. L’étiquette de Macron, président des riches, apparu avec le mouvement des Gilets jaunes s’est encore renforcé, comme en témoignent les réseaux sociaux. Élu après Hollande qui lui avait ouvert l’espace d’un nouveau possible en politique, en vidant de son sens la différence entre la droite et la gauche, Macron a perdu la légitimité pour avancer dans sa stratégie de cet autre possible. Quelle que soit l’issue d’un conflit qui s’ancre dans la vie, on voit mal comment diriger le pays devant un tel mécontentement et se débarrasser de cette étiquette de président des riches.
Fabien Roussel, lui, a bien compris que s’appuyer sur la revendication sociale pour construire une démarche unitaire et une perspective politique était la solution à la division de la gauche. Il replace ainsi mouvement social et réponse politique sur une même perspective.
Alors oui, appuyons-nous sur le réel ressenti pour apporter des réponses, et pour cela, confédérons les différents régimes, pour les élever vers le haut.
Denis Cohen* – 6 janvier 2020
(*Denis Cohen est syndicaliste)