Merci à Fabien, Yannick, Anne, Philippe, Nathalie et Jean-Luc d’avoir fait vivre la diversité des sensibilités et des courants qui traversent la gauche et les forces progressistes en France. Malgré les efforts de chacun et chacune, cela n’a pas été suffisant pour faire ou refaire voter ce quart d’électeurs, dont beaucoup dans les couches populaires, qui n’exercent plus leurs droits de citoyens dans les dernières élections.
Personnellement, je souligne l’extraordinaire coup de fraîcheur qu’a fait souffler la campagne pour « les Jours heureux » de Fabien Roussel, toutes les études d’opinion ont montré que fin mars, l’intérêt pour ses propositions pour une République populaire, laïque, solidaire dépassait largement les chiffres des sondages officiels. C’est parce qu’a existé cette diversité à gauche que Jean-Luc Mélenchon a pu capter un nombre important d’électeurs supplémentaires en fin de campagne. Si il y avait eu fusion de candidats au départ, comme en 2017 où communistes et écologistes s’étaient effacés, il n’aurait pas décollé et aurait plafonné comme au début de sa campagne à moins de 15 %, car il y aurait eu moins d’électeurs de gauche, mobilisés, et un plus grand nombre seraient restés chez eux.
C’est parce qu’il y avait ces réserves d’électeurs « réveillés » par Fabien, Yannick et Anne que Jean-Luc a pu les « siphonner » par cet appel pervers au « vote utile » et à partir de ce socle, finir de rassembler des électeurs apeurés dans les derniers jours par la montée des voix de Marine Le Pen.
Les électeurs qui ont maintenu leur vote pour Fabien Roussel n’ont pas à le regretter, bien au contraire. Ils ont fait un vote de dignité et de conviction, pour que la perspective et le combat pour des « Jours heureux » demeurent dans le débat politique. Ils n’auraient pas admis certainement que leur candidat se retire au dernier moment comme le voulait une pression politicienne. Il est absurde de faire des additions : les électeurs ne sont pas de simples chiffres.
Mais il faut être lucide : Jean-Luc, en enclenchant le vote utile à son profit, a réveillé l’extrême-droite : Marine Le Pen a, elle aussi, joué le vote utile et, à chaque électeur gagné par Jean-Luc Mélenchon, a répondu 1,5 électeur gagné par elle. Plus grave sur le fond, avec le « vote utile », Jean-Luc Mélenchon a contribué à renforcer le mécanisme d’élection « à l’américaine », le choix binaire entre deux personnalités et non sur des programmes divers comme dans la tradition démocratique française. Lui qui prônait une VIe République démocratisée, il a tourné le dos à ses engagements en popularisant en fait un choix inverse. J’espère que le PCF reprendra haut et fort le drapeau de la réforme de l’élection présidentielle, de la dépersonnalisation de la fonction et d’un meilleur partage du pouvoir avec les élus du peuple et les citoyens.
En surfant sur les craintes des jeunes, des salariés contre la montée des votes Le Pen, Jean-Luc Mélenchon a pris le risque de désarticuler les forces progressistes en France. Il devrait comprendre qu’il aurait pu réussir à présenter une alternative s’il avait plus travaillé dès le début de la campagne à mobiliser les abstentionnistes au lieu de diviser et essayer d’affaiblir les autres forces de gauche. Les plus anciens y verront une inspiration mitterrandienne à vouloir se renforcer d’abord au dépens de l’autre.
Pour donner confiance aux forces progressistes, à tous ceux qui veulent des changements profonds pour mieux vivre ans notre pays, il faut donner des objectifs clairs. Aujourd’hui, il n’y a qu’une priorité : il faut battre Marine Le Pen au second tour, et pas seulement dire qu’on ne votera pas pour elle. Le bulletin blanc ou l’abstention seront un vote caché pour celle-ci. Il faut donc agir avec le seul outil que l’on possède et voter Macron en appelant dès maintenant à se rassembler pour, demain, mettre en échec, toutes les tentatives de régression sociale.
C’est cet esprit de lutte et de rassemblement qui anime les communistes qui ont fait une campagne admirable avec Fabien, leur candidat. Ils sont, me semble-t-il, devant une responsabilité : faire vivre, enraciner encore plus profondément dans le pays, la perspective des « Jours heureux », une perspective d’espoir, de droit au bonheur pour le peuple. j’espère que la campagne des prochaines élections législatives sera un formidable caisson de résonnance, ainsi que les mois d’été qui suivront, pour que les « Jours heureux » deviennent vraiment une aspiration populaire majoritaire.
Jean Sandétour – 12 avril 2022