Pour un communisme renouvelé « ici et maintenant » (contribution collective)

À quelles questions doivent répondre le PCF, les communistes français, dans le contexte du moment ? Nous considérons que les réponses aux questions soulevées au 38° Congrès et les choix de l’époque ne sont pas épuisés. Conforter, prolonger et approfondir la démarche et le renouveau stratégique du 38e congrès, en prenant en compte les donnes nouvelles et en se projetant vers l’avenir, tel est pour nous l’enjeu du congrès et d’un débat auquel nous souhaitons apporter notre contribution.

Des orientations stratégiques liées aux éléments nouveaux de la situation

Les bouleversements provoqués par l’imbrication des crises ont connu de nouveaux développements, depuis le krach de 2008 jusqu’à la guerre en Ukraine, (climatique, sanitaire, énergétique, sociales, politiques, de la démocratie). Elles frappent violemment les populations par leur dimension et leurs conséquences planétaires et posent des problèmes sérieux aux forces dominantes.

En France, les rapports de force issus des élections de 2022 jouent un rôle déterminant en relation avec la tension sociale. Leur résultat confirme la profondeur des mouvements, fractures et attentes, qui travaillent le pays. Emmanuel Macron n’obtient pas la majorité aux législatives. L’extrême-droite voit sa stratégie de conquête du pouvoir confortée. L’abstention atteint des niveaux record. Le danger est sérieux. La dynamique de la présidentialisation et du vote utile a joué à plein pour les trois candidats susceptibles d’être au second tour. Elle amplifie la marginalisation des partis dominants, droite et PS, aucun n’atteignant les 5 %, tout comme EELV. C’est au regard de cette configuration qu’il faut apprécier le résultat de Fabien Roussel.

A gauche, l’accord électoral de la Nupes a permis une présence renforcée de la gauche à l’Assemblée, insuffisante cependant, pour atteindre la majorité. Avec 30 % des exprimés, l’ensemble des voix de gauche ne traduit pas une progression significative par rapport aux scrutins antérieurs. Le PCF maintient, en le consolidant, son groupe, dans le cadre de l’accord électoral, mais dans un rapport déséquilibré en faveur du candidat de gauche arrivé en tête.

Sens et portée de la candidature de Fabien Roussel et de la campagne électorale présidentielle

Au départ, la décision d’une participation du parti communiste à l’élection présidentielle pouvait être interprétée comme une candidature de « témoignage », une revendication pour exister après plus d’une dizaine d’années d’absence. Dans la réalité, la candidature s’est construite comme un apport original, dynamique, dans la confrontation sur le devenir de la France, sur la réponse à apporter aux souffrances, aux colères, comme au besoin d’espoir.

Elle s’est inscrite de fait en relation avec la montée des mobilisations sociales, de l’expression des revendications de justice et d’égalité. Au moment où la remobilisation politique des classes populaires s’avère un enjeu décisif, le parti communiste ne pouvait déléguer à personne sa responsabilité dans cette bataille cruciale.

Une des dimensions les plus significatives de la candidature de Fabien Roussel est d’avoir fait du pouvoir d’achat le premier marqueur de sa campagne, en phase avec les mobilisations sur les salaires dans les entreprises, grandes mais aussi petites, parfois dures.

Elle a rendu plus clairs des enjeux centraux à une partie importante des Français.

Citons le droit à la « tranquillité publique », la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscales, la réindustrialisation des secteurs essentiels pour maîtriser notre souveraineté, comme un mix-énergétique décarboné assumant le nucléaire, crédibilisant un nouveau mode de développement, mettant en cohérence justice sociale et « justice climatique », au travers de la place essentielle des services publics, en portant le projet d’une France active pour la paix et le désarmement dans le monde, contribuant à donner un nouvel élan aux coopérations, à la sécurité collective et au renforcement des Nations unies. En imposant dans le débat la centralité du « travail », elle a réintroduit la dimension de classe, écartée ou marginalisée dans la gauche. Cette vision associant la gauche avec la libération de la domination du capitalisme est un de ses apports. Elle facilite le rassemblement des forces populaires, en s’attaquant au socle du populisme (le dépassement des partis et du clivage gauche/droite).

Et maintenant ? Quel choix stratégique du Parti communiste pour une dynamique majoritaire de conquête du pouvoir ?

Le débat sur les conditions d’un mouvement majoritaire pour battre Macron et l’extrême-droite et pour une autre politique a traversé toute la campagne. Il s’est précisé à la lumière des résultats et avec la constitution de la NUPES. L’accord électoral n’a pas permis d’atteindre la majorité espérée. Le chantier de la reconstruction de la gauche est juste rouvert.

Nous devons proposer une conception renouvelée du rassemblement et de l’union à gauche. Nous devons créer une dynamique majoritaire entre forces politiques en appui, sans hégémonie ni subordination, tant aux mouvements de la société, qu’aux mobilisations et à la créativité des forces du monde du travail. Ce respect est essentiel pour la réussite de la remobilisation de l’électorat populaire.

N’est-ce pas à partir de ces réalités qu’il faut avancer pour donner à voir ce qu’est le communisme dont nous nous revendiquons ?

La campagne et ses suites permettent de rendre visible et de réincarner une réponse communiste aux enjeux du moment. L’actualité du communisme refait surface, appelant débat, réflexion collective pour préciser ce que nous entendons par un communisme renouvelé « ici et maintenant ». Ce que nous appelons communisme, c’est le projet qui fait la cohérence entre le traitement des urgences et le sens radicalement transformateur des réformes à mettre en œuvre, le travail de construction de la dynamique populaire majoritaire et l’organisation politique, militante, qui contribue au rassemblement pour la conquête du pouvoir.

L’expérience de la campagne de la présidentielle, combative, innovante et porteuse d’espoir conduit à pousser le débat sur la légitimité et l’apport d’un parti communiste dans la vie nationale et dans la gauche, en France. Développons une force et une organisation qui n’appellent pas au ralliement, mais à une construction patiente, qui donnent réellement au peuple, aux femmes et aux hommes, tels qu’ils et elles sont, la maîtrise de leur destin, de celui du pays. Développons une force et une organisation qui aient l’audace d’innover, non pour être dans l’air du temps, mais pour répondre efficacement aux conditions de la lutte.

Sous le signe des « Jours heureux », il s’agit d’écrire un nouveau récit révolutionnaire, héritier et novateur, le récit d’un communisme qui parte du réel, qui se situe à « hauteur humaine » dans ses réponses, sa pratique politique et se projette dans un mouvement de transformation profonde de la société, la contestation du pouvoir des classes dominantes, jusqu’au dépassement de leur système de domination.

Signataires

Christian BASTID (Gard)

Michel BARRIER (Seine-Maritime)

Pascal BONNEAU (Côtes d’Armor)

Julien BOUDET (Seine-et-Marne)

Michel CERUTI (Lot-et Garonne)

Véronique CHRISTOL (Seine-Maritime)

Daniel CIRERA (Seine-Saint-Denis)

Denis COHEN (Seine-Saint-Denis)

Marianne CONTESE (Moselle)

Daniel DURAND (Loire)

Anne-Marie DURAND (Loire)

Valérie GONÇALVES (Val-d’Oise)

rard ICHMOUKAMETOFF (Calvados)

Roland JACQUET (Paris)

Karine JARRY (Seine – et-Marne)

Jean-Christophe JOLY (Indre et Loire)

Christian JUTEL (Eure)

Eric LE LANN (Hauts-de-Seine)

Philippe NOLLER (Moselle)

Fabienne POURRE (Val-de-Marne)

Julien RUIZ (Gironde)

Pierre THOREZ (Seine Maritime)

Roger TIRLICIEN (Moselle)

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