Beaucoup de politologues en parlent, quantité de citoyens-citoyennes de gauche le craignent : le piège Macron – Le Pen se refermera-t-il sur nous en 2022 ? Il est clair qu’en cet automne 2020, du fait de l’extraordinaire nouveauté de la crise que nous traversons, personne de sérieux ne peut prédire comment la situation économique et politique ainsi que l’opinion des Français vont évoluer. Qui peut connaître le contexte de l’élection présidentielle en 2022 ? Le mouvement social se cherche encore, les premières réactions vives, le succès des rassemblements contre la dérive autoritaire du pouvoir montrent qu’existe une forte insatisfaction, une frustration, voire une colère encore rentrée dans une partie importante de la population.
L’impasse Macron – Le Pen pourrait échouer si les conditions étaient rassemblées pour faire émerger des projets alternatifs suffisamment forts et crédibles qui prennent en compte les réalités que la crise de 2020 a mis à nu. On peut citer la prise de conscience de l’interdépendance du monde, la nécessité de protéger encore plus les biens communs de l’humanité (la santé, l’éducation, l’accès aux ressources naturelles), l’utilisation prioritaire de l’argent, des ressources financières pour « l’humain d’abord » et pour la survie de la planète.
Pour faire comprendre ce que signifie cette nouvelle situation en terme de possibilités de réformes, pour faire s’exprimer les besoins, confronter les projets existants parmi toutes les sensibilités progressistes mais aussi pour faire émerger des hommes et des femmes porteurs de ces projets, il faut du temps et du travail. Aujourd’hui, aucun parti, aucun homme ou femme politique n’incarne cela dans aucune formation.
La France insoumise et Jean-Luc Mélenchon dédaignent ces exigences et ignorent la nouveauté de la situation. Ils relancent leur machine électorale de manière mécanique, sans aucune humilité, sans s’ouvrir à la société et au peuple de gauche. Toutes les autres forces politiques semblent conscientes qu’il faut encore travailler durement pour construire les conditions de l’alternative. Le PS essaie de reconstruire une unité, de bâtir un nouveau projet et trouver un éventuel candidat. Les Verts surfent sur un programme flou et fixent à septembre 2021 la primaire pour surmonter les rivalités internes entre Yannick Jadot et Éric Piolle et désigner leurs candidats.
Dans ce débat, il faut que s’expriment haut et clair les communistes et que soit décidée une candidature communiste aux Présidentielles. Le PCF, ce parti héritier des grandes conquêtes sociales du Front populaire et de la Libération (des congés payés à la Sécurité sociale), ce défenseur des libertés en France (du combat pendant la Résistance au gain des libertés syndicales dans l’entreprise et la promotion de l’autonomie communale) a une légitimité forte dans le débat.
Dans cette année du 100e anniversaire de leur parti, les communistes français, au travers de tâtonnements certes, ont su esquisser les voies, dans leur dernier Congrès, d’un communisme moderne, un communisme démocratique en mouvement et pas seulement un communisme de visée lointaine, plus ou moins utopique.
Le PCF, et c’est reconnu par beaucoup, est ce parti qui, aujourd’hui, ne reste pas tourné vers le passé et se bat pour des idées neuves comme la promotion des biens communs de l’humanité : l’accès à l’eau, les transports collectifs, le logement accessible à tous, la maîtrise des outils numériques, la sauvegarde de la planète et la défense de la paix dans le monde et le soutien au respect de tous les peuples. Ces recherches et ces propositions ont l’immense mérite d’essayer de répondre aux nouveautés de la situation présente.
De plus, la lutte permanente pour l’union et le rassemblement est dans son ADN depuis le Front populaire, la Résistance, le Programme commun. Aujourd’hui, la recherche du rassemblement populaire pour faire émerger l’alternative crédible aux présidentielles et aux législatives est évidemment sa priorité.
Les communistes ont déjà beaucoup travaillé leurs propositions, beaucoup avancé dans la réflexion sur leur stratégie, notamment pour combattre l’effacement passé qui leur avait été préjudiciable. Ils ont besoin de finir d’éclaircir ces enjeux, leur politique de rassemblement, de peaufiner la réflexion sur leur nouvelle pratique politique communiste . Ce travail et ces débats sont complètement imbriqués avec la construction de leurs positionnements électoraux. C’est la voie pour montrer aux citoyens, aux travailleurs, qu’il n’y a pas, d’un côté une politique et des choix électoralistes (donc à géométrie variable), et puis, d’un autre côté, leurs affirmations théoriques et de principe. C’était cela la vieille politique politicienne que refuse une majorité de citoyens.
Rêver d’un « grand congrès » qui serait détaché de l’actualité et pourrait se dérouler en vase clos pendant trois mois, en discutant (comme les byzantins, à Constantinople en 1453 ,du « sexe des anges ») de la « visée communisme, » est pour le moins une utopie totale.
J’ai lu les craintes de certains militants communistes de voir un débat politique (politicien) « parasiter » ou « polluer » le Congrès. Cette crainte est vaine. Au contraire, lier débat stratégique et contexte électoral ne peut qu’enrichir et dynamiser notre campagne et inversement, notre engagement de terrain enrichira notre réflexion théorique.
Tout ce bouillonnement théorique, politique stratégique constituera un formidable tremplin pour la campagne des présidentielles et des législatives, pour le soutien et la promotion de la candidature communiste aux présidentielles et de celle des hommes et des femmes qui porteront ces idées dans les circonscriptions législatives.
En résumé, qu’il y ait aujourd’hui plusieurs candidats de gauche à l’élection présidentielle, dont notamment un candidat du PCF, n’est pas LE problème mais LA solution : je dirai même que cela est sain et indispensable. Il y a une condition : la bataille des idées ne doit pas tourner au « bal des égos ». Chacun doit travailler en ayant en tête le bien commun : offrir une alternative démocratique et sociale au peuple de France pour remplacer Emmanuel Macron.
C’est ce travail de chacun pour enrichir ses propres propositions qui créera peut-être les conditions d’une convergence, le moment venu, quand s’ouvrira la dernière étape de la campagne électorale et, au lieu d’enclencher la « machine à perdre », permettra de construire, si les conditions en sont créées, la « machine à gagner » aux Présidentielles et Législatives.
Jean Sansdétour – 29 novembre 2020