A l’occasion du Congrès du Parti communiste français – Intervention dans le débat – partie I

« Si l’intelligence, c’est le pouvoir de se transformer, j’essaie démontrer qu’elle est inséparable de l’autocritique » Catherine Malabou, philosophe

« Il y a une douzaine d’années, je redoutais les dangers d’une contestation de tendances à l’intérieur du Parti susceptibles de nuire à son unité. Cette crainte me paraît aujourd’hui dépassée, l’important n’est plus la cohésion de ce qui reste du Parti mais sa survie qui – à mon sens – ne peut être qu’une métamorphose ». Georges Seguy, l’Humanité, 30 novembre 2007

Parti communiste : le Temps du Choix (1ère partie)

Pour éviter l’écueil de l’élaboration en « vase clos » ou « hors-sol » l’expérience dit que la capacité à trouver des réponses concerne bien au-delà du parti lui-même. De même le travail de novation est inséparable de questions et d’un mouvement qui concernent la gauche, le « peuple de gauche » et au-delà, et « ailleurs », celles et ceux en recherche de solutions et d’une perspective autre que celle offerte aujourd’hui.

1.- Les questions posées par la situation

La nouveauté de la situation avec les élections de 2017. Une fin de période longue. Le bouleversement de tout un système politique.

  • Qu’est-ce qui s’est exprimé à travers le vote, en réaction, et comme aboutissement, expression violente d’un mouvement qui travaille en profondeur et depuis plusieurs années la société ? (De la crise politique à la crise de la politique, l’ébranlement du système avec la crise financière – avec ses conséquences sociales, politiques, idéologiques – de 2008/2010, les chocs des cures d’austérité, les successions d’alternances, l’épuisement du système institutionnel, la demande de renouvellement, récurrence du thème « la politique autrement »). La force du besoin de changement, de personnes, d’idées, de pratiques. Jusqu’à la séduction populiste.
  • Le paradoxe – apparent – du Pcf. C’est au moment où la crise est perçue – même de manière confuse – comme une crise de système, globale, qu’à travers le rejet de l’austérité, des politiques libérales, c’est le capitalisme sous sa forme contemporaine, financiarisé, mondialisé, qui est contesté, quand les inégalités deviennent une question centrale, c’est à ce moment que les forces de gauche (organisations identifiées à la justice sociale et au progrès) s’effondrent, sous les coups de boutoir de forces qui ont besoin d’un nouveau dispositif, et surtout faute de prise sur le réel. Tout particulièrement la force politique la plus déterminée dans l’analyse critique du capitalisme et dans l’affirmation d’une alternative historique d’émancipation humaine.
  • Comment en est-on arrivé là ? Quels obstacles et blocages dans la conception et les pratiques de parti, politiques, culturels, organisationnels ?
  • De l’analyse critique, du débat et la confrontation sur ces questions centrales, à la lumière des problèmes posés aujourd’hui dans le « monde réel », dépendent les réponses, les initiatives, la capacité d’innovation du PCF.

De cette capacité d’innovation dépend le message adressé à la société.

De cette capacité d’innovation dépend sa survie. Si cette affirmation fait débat, allons au bout de la confrontation.

2.- Le calendrier à l’épreuve du réel

Le report du congrès à la fin de l’année banalise son ambition d’une réponse « extraordinaire » à une situation inédite. Le risque pointe d’en faire un « congrès d’attente » laissant passer les échéances de 2019 (européennes), 2020 (municipales). On peut s’interroger sur une démarche qui aborderait des échéances aussi importantes sans avoir pris le temps d’une analyse exigeante de la nouveauté de la situation, la profondeur de la crise du système politique et du Pcf lui-même, et les enseignements à en tirer.

En réalité l’affirmation réitérée, volontariste, d’un congrès « construit dans la vie » est confrontée à l’accélération des événements.

Emmanuel Macron, son gouvernement, avec la structuration d’un pôle libéral (dépassant le clivage droite/gauche), s’attaquent à une restructuration en profondeur de ce qui fait le « modèle social » français. Ils avancent là où ses prédécesseurs n’avaient pas réussi à aller au bout. Il s’agit donc de proposer une vision alternative. Une vision concrète et cohérente, ancrée dans le mouvement réel de la société et des consciences. Ni élaborée par un État-Major autoproclamé, ni nostalgique.

Pour les mouvements qui sont apparus depuis l’automne, dans leur diversité, l’utilité du parti communiste se mesure à la capacité à contribuer à une perspective politique. Telle est sa vocation, sa raison d’être.

Sur trois questions, qui, dans la réalité se recoupent, il est confronté à des choix qui n’attendent pas :

  • le rapport au mouvement social
  • les européennes
  • la recherche de convergences à gauche

Face à ces questions son positionnement donne à voir la capacité à imprimer le paysage et à peser sur les événements.

  • D’une part le rapport entre politique et mouvement social. Toute lutte sociale est politique, et selon les circonstances la dynamique des actions et du mouvement dessine et crée les conditions d’un changement (de) politique. Autre chose est l’instrumentalisation des luttes pour des stratégies politiques conçues hors du mouvement lui-même.
  • Il s’agit de prendre les initiatives fortes, visibles, audacieuses, pour une dynamique unitaire, à gauche. Face à Macron. Et pour un « après-Macron ». Il s’agit de mettre en débat, entre forces politiques, sociales, de gauche et de progrès, et les citoyens les grandes mesures modernes, d’avenir. Moins à partir d’un programme – aussi parfait soit-il – que de propositions de portée politique en phase avec des exigences sociales et démocratiques portées par les mobilisations. En phase avec des attentes exprimées – dans les luttes, comme dans le débat d’idées, des expériences citoyennes, nationales, locales. La plate-forme unitaire des syndicats des cheminots est l’exemple de cette possibilité de porter des propositions de haut niveau, en relation avec un mouvement réel.
  • On touche là à la deuxième question : ou bien des initiatives qui marquent la volonté d’une dynamique politique majoritaire. Ou bien l’enfermement dans la marginalisation de la « gauche de la gauche ».
  • Sur les européennes, on mesure la difficulté pour créer les conditions d’une offre crédible, qui déjoue le scénario enfermant le choix entre les pro et les anti-européens. La recherche d’alliés pour une liste qui obtienne un résultat satisfaisant est légitime. Elle doit s’articuler avec l’offensive politique sur les positions que le Pcf considère justes, avec lucidité, courage et ambition. Ainsi, c’est dans l’expérience concrète que se révèle et se construit la pertinence de ce que nous appelons communisme, comme pratique et stratégie politique.
  • Daniel Cirera

A suivre …

http://communisme-et-politique.org/

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