À l’occasion du Congrès du Parti communiste français – Intervention dans le débat – partie II

« Si l’intelligence, c’est le pouvoir de se transformer, j’essaie démontrer qu’elle est inséparable de l’autocritique » Catherine Malabou, philosophe

« Il y a une douzaine d’années, je redoutais les dangers d’une contestation de tendances à l’intérieur du Parti susceptibles de nuire à son unité. Cette crainte me paraît aujourd’hui dépassée, l’important n’est plus la cohésion de ce qui reste du Parti mais sa survie qui – à mon sens – ne peut être qu’une métamorphose ». Georges Seguy, l’Humanité, 30 novembre 2007

Parti communiste : le Temps du Choix (suite)

3.- Les termes du débat concernant le parti communiste

En quoi les questions soulevées depuis plusieurs congrès sont-elles encore d’actualité ? Quelles résonnances et différences essentielles ? Qu’avons-vous fait, pas fait ou mal fait alors et depuis, pour nous retrouver aujourd’hui dans une telle situation, au lendemain des élections de 2017 ?

Les causes du déclin : causes stratégiques et causes fondamentales

– Causes stratégiques :

La faute à l’union ? En finir avec les alliances à gauche, avec le parti socialiste (collectifs, les évolutions du FdG,), l’union comme responsable du déclin (années 1970, gauche plurielle, années 2000) ? Ou bien isolement, enfermement dans « les deux gauches » – de moins en moins réconciliables.

– Causes fondamentales – Sur la conception même de la transformation révolutionnaire – du communisme – à l’ère de la mondialisation, et sur la conception de l’organisation qu’il porte. Absence de projet ? De quoi parle-t-on ? ou invisibilité du projet ? Confusion entre projet, programme, visée, stratégie.

– Causes organisationnelles – Conjoncturelles (et facilement solubles). Problème de communication ? De boycott par les médias, de marginalisation par les adversaires ?

Une question existentielle

Le Pcf peut-il se transformer ? A-t-il la capacité collective, avec l’engagement de direction – l’actuelle et celle qui sortira du Congrès – d’affronter le bilan des choix effectués dans la dernière période, et de procéder aux transformations qu’impose l’élaboration d’un communisme moderne ?

Dès la fin des années 1990 la question de la transformation du Parti communiste est posée. D’une transformation en profondeur. « Un nouveau parti communiste » tel était l’ordre du jour et l’ambition du 31° congrès, de 2001. La question sera textuellement à l’ordre du jour de tous les congrès qui suivent.

Dans la dernière période, le débat a tourné autour de questions, pour l’essentiel internes, de communication, d’insuffisance d’application des décisions, d’image. La question du nom, légitime, mais qui, posée trop souvent aujourd’hui sous la pression et non en relation et cohérence avec une métamorphose stratégique et organisationnelle, devient un chiffon rouge. Des questions fondamentales ont été posées : la forme-parti dépassée ? Pas assez d’horizontalité : par rapport à des carences, ou bien sous la pression de l’air du temps ?

Ou alors des ruptures, mais lesquelles ? Ce qui impliquait une analyse sérieuse des conditions nouvelles, inédites, des conditions de la transformation révolutionnaire. Les amorces de recherche et d’initiatives ont été étouffées par la cristallisation sur le rapport au parti socialiste et la social-démocratie.

En schématisant, l’affrontement sur la conception de la transformation du parti portait sur trois approches. Une qu’on appellera conservatrice, proposant essentiellement le « retour aux fondamentaux » idéologiques et organisationnels, y compris dans la fidélité à l’idée d’étape du socialisme vers le communisme. Une autre, dans la continuation de la constitution d’un « pôle de radicalité » rassemblant la « gauche de la gauche » pour faire pièce à l’hégémonie du parti socialiste, et intégrant une composante communiste. C’est dans cette logique que s’est inscrite la stratégie des années 2000, jusqu’à la crise du FdG. Une autre proposition était fondée sur la conviction de la pertinence du communisme associant indissolublement une conception renouvelée des conditions de la transformation révolutionnaire, et comme stratégie ancrée dans le rassemblement majoritaire, le renouvellement de la conception de l’union majoritaire, ancrée dans la dynamique du mouvement social et de la société.

La réalité, aussi, c’est qu’un nouveau parti s’est mis en place, de fait, et sans confrontation assumée et organisée démocratiquement, à partir de 2004/2006. Un parti mutant en rompant radicalement par rapport au parti issu du Front populaire, se construisant dans un rapport intime aux réalités populaires et nationales, à l’union, le nouveau parti, lui, se situant de fait, explicitement ou à son corps défendant, dans la « gauche de la gauche », atténuant le clivage droite/gauche au profit de la distinction libéral/antilibéral.

En cette année 2018, on retrouve, avec les adaptations à la conjoncture, des choix similaires. Avec une donnée nouvelle. La dimension existentielle du devenir du communisme français, et donc des choix et des orientations du Pcf. L’expérience des échecs. Le contexte de crise de la politique, des partis, de restructuration du système politique, en France et en Europe. Dans le contexte aussi de mise en cause des politiques libérales, de contestation du système, à travers l’indignation devant le pouvoir de la finance, le creusement des inégalités, amplifiés avec la crise de 2008, la contradiction entre la concentration du pouvoir et la montée de l’exigence démocratique, collective et individuelle.

Le temps du bilan semble donc bien venu, au-delà du résultat et du choix stratégique de 2017.

Faut-il encore un parti ?

La question est posée, elle au cœur du débat, légitimée par la crise des partis traditionnels.

L’hypothèse de la constitution d’une nouvelle force à gauche, se différenciant du PS avec une composante communiste est récurrente. Elle a fait débat dans la conception du FdG comme force nouvelle (adhésions individuelles, lettre du PG à Pcf). De ce point de vue l’échec du FdG doit être analysé aussi dans la confrontation avec la stratégie explicite de ceux qui comme Jean-Luc Mélenchon et le PG visaient une dissolution des organisations existantes – particulièrement le Pcf – dans une nouvelle force politique (référence à l’expérience du PT du Brésil, de Die Linke, et le rappel insistant que Podemos s’est constitué sur la division de la Gauche Unie.) On relèvera que lors du précédent congrès le courant qui s’inscrivait dans la démarche de la France Insoumise faisant référence au modernisme de Podemos. La référence est séduisante et l’expérience mérite d’être étudiée, sans sectarisme, mais aussi sans idéalisation. L’idée d’un parti-mouvement rejoint d’une certaine manière une conception communiste de l’action politique – mais à l’opposé d’une conception et pratique populiste construite autour d’un leader.

Le risque est qu’à la proposition de dissolution ne réponde une conception conservatrice.

Ma conviction, c’est qu’il faut un parti. – L’expérience de Podemos, de la FI et de LREM (organisation, implantation locale, militantisme, alliances électorales) conforte cette conviction, quel que soit le nom qu’on donne à l’organisation -. Une organisation politique à la fois héritière et continuatrice du communisme français. Une organisation nouvelle, par sa conception renouvelée de la contestation de la domination du capitalisme jusqu’à son abolition, nouvelle par ses pratiques, dans son rapport à la société, pour être en phase avec ses mutations, et correspondre à sa visée stratégique.

Le communisme.

C’est un idéal, et indissociablement une stratégie politique de conquête du pouvoir. L’affrontement porte moins sur « l’idéal » que sur la mise en pratique politique.

La question posée dans les conditions concrètes est celle d’une conception renouvelée, radicalement, de la transformation globale et au quotidien, de contestation et dépassement du capitalisme (enterrer le « Grand Soir », exit le « parti guide »).

L’objectif implique des pratiques elle-même renouvelées : animation du débat sur les conditions de la transformation révolutionnaire, pour un changement, pour l’égalité réelle, pour un développement écologique, au cœur l’émancipation des individus et la liberté, la reconquête de la souveraineté populaire. Pas dans l’abstrait. A partir du réel (expériences nationales, maîtrise des banques, gestions des entreprises, finalité du travail, économie sociale, démocratie locale, et autres).

(Question. Faut-il attendre les décisions du congrès pour une préparation réellement ouverte et démocratique du congrès ?).

Voilà ce qu’on pourrait appeler, et que je verse au débat, avec d’autres, un Communisme Moderne.

Daniel Cirera – 28 mai 2018

http://communisme-et-politique.org/

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