Écriture inclusive : pas de débat en vase clos !

Le compte-rendu des travaux du Conseil national du PCF sur la modification des statuts du PCF indique qu’a été discutée la proposition d’y mentionner l’obligation d’une « communication inclusive pour représenter à égalité les femmes et les hommes ». Dans le débat sur cette proposition, la question des « difficultés qu’elle engendre en termes de compréhension des textes » a été soulevée, notamment pour le public dyslexique, malvoyants, personnes en situation d’’illettrisme (plus de 3,1 millions) ainsi que les conséquences pour les étrangers en apprentissage de la langue française. En conséquence, la proposition n’a pas été retenue.

Relevant ces difficultés, l’intervention faisait référence à ce qu’on appelle les points médians, c’est-à-dire l’utilisation de terminaisons de mots telles que « .e.s » ou « .ers.ères ». Car, de fait, c’est surtout à cette pratique particulière qu’on identifie l’écriture inclusive dans la plupart des débats.

Il n’est pas inutile de relever ce qu’écrivaient les linguistes Marie Candea et Laétitia Véron, qui défendent l’écriture inclusive, dans leur ouvrage  Le Français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique ». Elles constataient que la plupart des modalités de la communication inclusive , accord en genre des titres et noms de métiers (auteur, autrice), mots épicènes (un ou une élève, la ou le ministre, une ou un camarade…)1, accord de proximité (comme dans « des jours et des nuits entières »), sont « très logiques et très simples » mais qu’une « potentielle difficulté concerne l’apprentissage des points médians comme marqueurs de mixité ». Elles notaient toutefois « la mauvaise foi » de ceux qui relèvent la difficulté supplémentaire que crée le point médian quand ils s’opposent par ailleurs à toute simplification de la langue française2. Elles invitaient à « réfléchir à des formes authentiquement neutres, à la généralisation des tournures épicènes ». Un autre linguiste, Bernard Cerquiglini3 relève à ce sujet qu’une nouvelle forme populaire d’abréviation « crée de nouveaux mots épicènes simplifiés des éventuels suffixes qui indiquent le genre (instits, profs…) »4. Bref, il y a là un chantier, les réponses sont multiples et on ne saurait d’ores et déjà figer toutes les modalités à promouvoir.

En tout cas, les communistes ne peuvent aborder cette question sans prendre en compte les difficultés dans l’apprentissage du français. Difficultés qui peuvent alimenter l’échec scolaire, avec les longs mois passés, et gâchés, par les enfants à l’apprentissage des multiples variantes de transcription des sons et des exceptions, qui finissent par en éloigner certains de la langue, notamment dans des familles les moins familières avec la maîtrise de la lecture et de l’écrit. S’il est vrai que l’échec est corrélé à l’origine sociale, les études montrent que les difficultés scolaires surgissent davantage sur l’apprentissage du français que sur celui des mathématiques. Personne au PCF ne souhaite alimenter la machine à exclure !

On le voit bien, les questions de la langue ne sauraient être abordées en vase clos. Elles méritent, sur ce sujet comme bien d’autres, un véritable débat démocratique, où pourront s’exprimer notamment celles et ceux qui apprennent le français aux enfants, le secteur de l’éducation nationale, et aux adultes. Le Congrès peut être l’occasion de convenir d’initiatives permettant de s’approprier cette question, d’en débattre de manière ouverte. Cela pourrait concerner non seulement la question de l’écriture inclusive, mais plus généralement celles de de l’apprentissage et de la réforme du français. Quant aux statuts du PCF, avant d’y inscrire une obligation, il faudrait être certain qu’on met bien la même chose derrière.

Loin d’être un sujet de clivage entre communistes, ce débat stimulant peut être un moment de réflexion et de construction collective. Relevons pour finir que le sens de notre engagement s’exprime souvent par des mots de genre féminin dans la langue française, comme l’humanité, l’égalité et bien d’autres. Personne ne songe à proposer d’en faire des mots neutres ou épicènes pour représenter à égalité les femmes et les hommes. Il y a en effet mieux et plus urgent à faire pour que l’humanité et l’égalité soient toujours plus des réalités !

Éric Le lann – 22/02/2023

1 Selon un dictionnaire (Larousse du collège) : épicène « se dit d’un nom, d’un pronom, d’un adjectif qui ne varie pas selon le genre (ex : élève, enfant, toi, jaune…) ».

2 Sur la question de la simplification de la langue, signalons un fait peu connu : aussitôt après 1949, les communistes chinois entreprirent une réforme majeure de l’écriture chinoise, qui se traduisit par la simplification ou la rationalisation de plus de 1500 caractères ! Cela contribua sans doute à leurs succès dans le domaine de l’éducation.

3 Bernard Cerquiglini a dirigé la rédaction du Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions, remis en 1999, accessible sur le site Vie publique.

4 Voir le dossier « Le devenir du français » dans le numéro 403 de la revue La pensée.

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