On passe aux choses sérieuses.

L’annonce par François Hollande qu’il renonce à se présenter à l’élection présidentielle a figé le paysage, avant qu’il ne se remette en mouvement de façon imprévisible.  Depuis quelques jours le paysage politique de l’horizon 2017 se précise en se transformant à coup de surprises. En désignant comme candidat François Fillon, la primaire de la droite dessine le champ conservateur du moment. La droite républicaine a rappelé aux siens qu’elle est bien la droite, et de droite. Dure. Sarkozy et Juppé sont écartés, les ponts jetés dans les Manifs pour tous se concrétisent, au plus haut niveau comme chez les électeurs, sans états d’âmes inutiles, sur un fond de classe et de beaux-quartiers, et de France profonde. On est passé aux choses sérieuses, dont l’amertume après les régionales était adoucie par les rancoeurs contre le pouvoir actuel. La droite rappelle aux siens qui elle est, qu’elle fera le travail. Aux autres, tous les autres, d’intégrer maintenant cette nouvelle réalité.
Du côté socialiste jusqu’à ce jeudi 1er décembre à 8h 08 c’est l’inconnu. Camabadélis met en place la Belle Alliance, en vue d’une primaire encore en friche. C’est la querelle des hypothèses, des candidatures réelles ou virtuelles, l’échauffement de Manuel Valls, suspendues à la décision du président sortant, et sous le vent de la mise en Marche d’Emmanuel Macron.
Et puis il y a Jean-Luc Mélenchon, traçant son sillon sur fond bleu, crédité de ses 11,1 % de 2012, enflammé par les sondages, et travaillant lui aussi à explorer les zones inconnues du paysage dévasté, par-delà la droite et la gauche. Finalement, au terme d’une imprévisible quête, et dans une saisissante mais heurtée accélération, le Parti communiste français a choisi de soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon.
La décision ne clôt pas la réflexion. Elle ne la clôt pas sur les conditions de la consultation et du vote, et du moment de la décision, et ce qui y a conduit. Elle ne la clôt surtout pas sur la situation créée et la manière la plus intelligente d’y  faire face. D’autant qu’elle ne concerne pas que les communistes, compte tenu de ses conséquences, et que bien des événements peuvent troubler les scénarios. On ne connait pas alors la décision de François Hollande.
Le choix de l’option 1 – appelant à soutenir J.-L. Mélenchon – proposée par le Secrétaire national avait un avantage. Elle réglait un problème immédiat. L’occupation du terrain, du paysage, sur ses propres orientations et stratégie, comme l’autorise et le demande la logique présidentialiste. Elle mettait au pied du mur un parti communiste traumatisé par ses résultats antérieurs, et soumis au chantage de la concurrence aux élections législatives. Cela sans discussion, et en dépit de divergences profondes. Le prix à payer était connu. Le soutien sans discussion, en dépit de divergences profondes,  le risque prévisible d’invisibilité et la marginalisation dans la campagne, et l’enjeu essentiel de la présence au 2° tour pour un représentant de la gauche confié à un pari. Pour ceux qui choisissaient l’option 2, l’optique était différente. Pour l’essentiel, s’ils n’excluaient pas un soutien au leader de la France Insoumise le moment venu, comme à tout autre candidat(e) répondant aux critères, ils appelaient à proposer un candidat du PCF, pour occuper l’espace politique, peser dans la campagne, et fixer la décision définitive quand on disposerait de tous les éléments.
Beaucoup de celles et ceux qui ont appelé et fait pression pour l’option 1 l’ont fait par réalisme. Pour passer l’épreuve en quelque sorte, en attendant des jours meilleurs. Les plus actifs sur les réseaux sociaux, et dans les organisations, ont une vision stratégique qu’ils avaient défendue au congrès du mois de juin. Une stratégie fondée  sur  l’engagement immédiat pour Jean-Luc Mélenchon, sur le « plus jamais avec le PS », avec pour horizon une force nouvelle force politique faisant référence, comme le candidat présumé, à Podemos. Cette alternative resta minoritaire au Congrès. Elle trouve dans le choix présent, quoi qu’on s’en défende, un encouragement, traduit dans un appel à l’engagement dans les Insoumis.
Pour le PCF la décision prise peut régler l’immédiat. Du moins elle le semble. Outre qu’elle obscurcit sa visibilité, elle laisse ouvertes les questions politiques posées pour le lendemain des élections, présidentielle et législatives : comment créer les conditions pour empêcher la victoire annoncée de la  droite et l’extrême droite, créer les conditions d’une politique nouvelle, majoritaire. Pour y contribuer, s’obstiner à rendre audible une parole radicale et populaire, unitaire. De ce point de vue, la proposition d’une présence communiste dans la campagne ouvrait sur l’avenir. L’absence de candidat est un handicap. Il faudra donc trouver d’autres moyens.
Ceux qui s’enferment dans le court terme, par manque de confiance ou par calcul, sont débordés par le mouvement des réalités. Il suffit de penser à la période écoulée, et aux incertitudes présentes. Depuis jeudi soir, les cartes sont rebattues. Qu’on le veuille ou non. Le retrait de François Hollande lève une incertitude. De nouvelles inconnues surgissent avec ses conséquences dans le PS et dans l’ensemble du champ politique. Il reste le cap : faire front face à la droite et l’extrême droite, et travailler dès maintenant à ce que devrait être un contrat pour une majorité pour une politique nouvelle. La question est posée en termes nouveaux maintenant. Encore faut-il s’en saisir.

Daniel Cirera – 2/12/2016
danielcirera360@gmail.com

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